7±2 sera le nombre et le nombre sera 7±2 (deuxième partie)

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Taille d’équipe, productivité et intelligence collective


Retrouvez la première partie de cet article : « 7±2 sera le nombre et le nombre sera 7±2 (première partie) »


Dans la première partie de cet article, nous avons vu que l’agilité présente 7±2 comme la taille idéale pour les équipes agiles. La psycho-socio parle pour sa part de groupes restreints en leur reconnaissant des caractéristiques particulières.

Dans cette deuxième partie, nous nous intéressons à l’influence de la taille sur les interactions ainsi qu’à l’effet Ringelmann. Nous dévoilerons également l’origine de ce mythique 7±2…

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«?Iss005e05022 interaction?» par NASA
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Impact sur les interactions

Dans son livre « La dynamique des équipes », Olivier Devillard, coach d’organisation bien connu, prend l’exemple des réunions pour illustrer l’impact du nombre de membres sur les interactions :
« Jusqu’à une dizaine de personnes, chaque membre peut facilement être en relation avec chacun des autres. En prenant l’exemple d’une réunion, on mesure facilement par le temps de parole la différence de participation relative à la taille : on passe de dix minutes par heure et par personne lorsqu’on est six, à seulement trois minutes par heure si le groupe a vingt participants ».

L’auteur conclut : « d’expérience, la taille optimale pour une bonne équipe se situe entre 6 et 9 personnes. Suffisamment petit pour rester dans un registre de proximité et de pouvoir partagé, suffisamment grand pour être créatif ».
« La dynamique des équipes » par Olivier Devillard aux éditions Eyrolles.

Qualité des interactions et nombre de membres du groupe

R. Mucchielli, dans son ouvrage sur le travail en équipe (Mucchielli, 2007), cite plusieurs résultats d’expérience ayant prouvé la relation entre qualité des interactions et nombre de membres du groupe.
« Plus le groupe est nombreux, moins les membres sont satisfaits parce que les difficultés de communication s’accroissent (…) (Golembiewski, 1962 ; Thomas et Fink, 1963)
Plus le groupe est nombreux, plus il y a de chances pour que se forment des sous-groupes et des cliques. (Hare, 1952 ; Berkowitz, 1963)
Plus le groupe est nombreux, plus les problèmes interpersonnels prennent d’importance, au détriment de l’unité d’action dans la réalisation de la tâche. » (Deutsch et Rosenau, 1963 ; Hackman et Vidmar, 1970)
Selon les mêmes chercheurs, la taille optimale d’une équipe serait de trois à douze membres. »
Sources : http://www.memoireonline.com/07/12/5993/Lanalysedespratiquesprofessionnellesunmoyendefaireequipe.html
Mucchielli, Roger. 2007. Le travail en équipe. Clés pour une meilleure efficacité collective. 10° édition

Richard Hackman : « Existe-t-il une taille optimale d’équipe […] ? Une étude menée par Neil Vidmar et moi-même suggère, sinon plus, une réponse. […] la taille de groupe optimale était de 4,6 membres. Cette conclusion, bien sûr, ne résultait que d’un travail sur des données d’une étude pas-très-importante, mais cela doit nous rappeler que la plupart du temps, c’est la petite taille qui compte. »
(118) » Leading Teams – Setting the Stage For Great Performances (Hackman 2002)

Individus et leurs interactions

En agilité dont le manifeste énonce en première priorité de valoriser les individus et leurs interactions, cet impact sur la qualité des interactions ne peut être ignoré.

Une publication de 360steelcase.com, How the workplace can improve collaboration, comporte quelques schémas particulièrement intéressants sur l’impact de la taille des équipes : image00

« La difficulté de gérer les communications au sein de l’équipe s’accroît avec sa taille. Entre deux personnes, il n’existe qu’une seule interaction possible. Avec trois personnes, on passe à quatre. Au sein d’un groupe de 4, il en existe onze et ainsi de suite…
Le nombre d’interactions possibles explose dans les groupes de plus de six personnes. C’est pourquoi la collaboration est meilleure dans un groupe de 4 à 8 personnes. »

Cette évolution exponentielle est reprise ci-dessous dans un schéma issu de leur livre blanc :

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L’effet Ringelmann

S’ajoute à ces considérations sur les interactions, l’effet Ringelmann ou paresse sociale :
« Ringelmann, agronome français du début du siècle, a réalisé une expérience où il demandait à des jeunes hommes de tirer le plus fort possible sur une corde, seul, par deux, par trois ou par huit. Il avait constaté préalablement que l’individu moyen pouvait exercer une force moyenne de 63 kg. Deux personnes qui tirent ensemble la corde devraient donc, en toute logique, exercer une force de 126 kg, trois personnes devraient exercer une force de 189 kg, etc. Les résultats ont montré que plus le nombre de personnes augmente, moins les efforts individuels fournis sont importants. Tout se passe comme si les membres du groupe réduisaient leurs efforts en faisant reposer le travail à fournir sur les autres. Ce phénomène s’accentue d’autant plus que le nombre de personnes dans le groupe augmente entraînant ainsi une perte d’efficacité. »
http://www.psychologuedutravail.com/tag/effetringelmann/
Ringelmann, M. (1913). Recherches sur les moteurs animés : travail de l’homme. Annales de l’Institut National Agronomique, 2nd series, 12, 1-40.

Ludovic Perot a repris les résultats obtenus par Ringelmann pour illustrer l’impact sur une équipe Scrum : « la vélocité n’est pas une fonction proportionnelle de la taille d’équipe ». http://ludovicperot.tumblr.com/post/37351254808/choisissezlatailledevotreequipeentenantcompte

L’effet Ringelmann augmente avec la taille de l’équipe :
« Dans un petit groupe (on parle alors d’équipe), les non-inactifs sont peu nombreux et donc visibles des autres membres. En plus des actions globales qui favorisent l’implication, les non-actifs peuvent être relancés individuellement et il leur est plus difficile de ne pas agir. Le pourcentage de non-actif a donc tendance à devenir plus faible et même parfois nul (outre la relance individuelle, les actions globales facilitant l’implication sont également très utiles). « http://ic.fing.org/texts/tailledugroupe, travaux sur l’intelligence collective

Ainsi, le contrôle collectif effectué au sein d’une équipe Scrum auto-organisée, mis en œuvre chaque jour lors de la réunion quotidienne, constitue un antidote efficace à l’effet Ringelmann, l’effort de chaque équipier est visible de ses partenaires…sous réserve de limiter la taille de l’équipe.

Avantages des petites équipes

Mike Cohn dans le chapitre 10 « Team Structure » de son livre « Succeeding with Agile: Software Development Using Scrum » énumère les avantages des petites équipes, outre la diminution de l’effet Ringelmann :

  • Moins de paresse sociale (effet Ringelmann)
  • Plus d’interaction constructive (Stephen Robbins, auteur de Essentials of Organizational Behavior – 2005)
  • Moins de temps dépensé en effort de coordination
  • Personne ne peut se fondre dans le décor
  • Les membres des petites équipes sont plus satisfaits (Steiner 1972)
  • Les dommages liés à la sur-spécialisation ont moins de chance de survenir (Shaw 1960)

Doug Putnam de QSM a étudié 491 projets avec des tailles d’équipe de une à vingt personnes. Putnam a trouvé que plus l’équipe était petite, plus chaque membre de l’équipe était productif (avec peu de différences entre 1,5 et 7 membres). Une équipe de 5 à 7 personnes terminera un projet de taille équivalente en moins de temps. Les équipes plus petites prendront un peu plus de temps. Il se produit une importante augmentation du temps avec des équipes de 9 à 11 personnes.

Conclusion de Putnam :
« Les équipes de taille plus importante entraînent plus d’effort et de coût. Cette tendance semble se manifester de manière exponentielle. La stratégie la meilleure en terme de coût est de constituer de petites équipes. Cependant, l’augmentation non-linéaire de l’effort ne semble pas apparaître avant que la taille de l’équipe approche 9 ou plus. »
http://www.qsm.com/process_improvement_01.html

Je vous encourage à lire ce chapitre qui est téléchargeable sur le site de Mike Cohn, d’autres études y sont mentionnées et vous y trouverez plus de détails sur les différents résultats.

7±2 ?

Il semble maintenant établi que le consensus existe sur la classification des groupes par taille et le fait qu’une équipe corresponde à la catégorie « groupe restreint ». Mais d’où provient cette expression spécifique «7±2 » ?

Cette plage correspond à la limite de traitement de notre cerveau : 7± 2 “unités d’information”, c’est-à-dire en quelque sorte des unités de sens et de forme : 7 lettres si nous ne voyons pas de rapport entre elles, 7 mots indépendants, 7 phrases, etc.

Cette limite a été décrite par George A. Miller dans un article célèbre « The Magical Number Seven, Plus or Minus Two: Some Limits on Our Capacity for Processing Information « .

L’expérience de la photo de groupe permet d’illustrer cette limitation.
« Prenez une photo avec un groupe de personnes, regardez-la puis cachez-la. Demandez-vous alors – a posteriori – combien y avait-il de monde sur cette photo. Si vous n’avez pas cherché à compter pendant que vous regardiez la photo, il va vous falloir compter les personnes une fois que vous n’avez plus l’image devant les yeux. Il y a fort à parier alors que si ce nombre est inférieur à cinq, vous pourrez y arriver facilement, au-delà de neuf, vous ne pourrez donner qu’un nombre approximatif qui, accidentellement, peut tomber juste… Entre cinq et neuf, certains d’entre nous arriverons à compter après coup, d’autres non, cela dépend de la taille d’une de nos mémoires de travail [1] et aussi du nombre de choses qui encombrent déjà notre tête… Cela est valable pour les personnes, les objets, mais aussi les idées et concepts avec lesquels nous pensons. Ainsi, notre capacité à conserver des idées en tête pour les relier ensuite est limitée à « sept plus ou moins deux » [2]. »
[1] A.D. Baddeley & G. Hitch, Working memory. In G.H. Bower (Ed.), The psychology of learning and motivation: Advances in research and theory (Vol. 8, pp. 47–89). New York: Academic Press. 1974
[2] George A. Miller, The magical number seven plus or minus two: some limits on our limit capacity for processing information, Psychological Review 63(2) pp81-97 http://www.musanim.com/miller1956/
http://www.cornu.eu.org/news/donnerunecapacitenaturellemaislimitee

Conclusion

Ainsi, le conseil donné par les agilistes de limiter la taille des équipes à 7±2 ne provient pas d’une spécificité de l’agilité ou d’un arbitraire mystique, mais de l’observation des conditions de performance des groupes humains et de résultats d’études sur les équipes de développement logiciel.

Pour une équipe ou une organisation, devenir plus agile implique de mobiliser l’intelligence collective des collaborateurs et donc de développer ses connaissances dans ce domaine…

Autres ressources

 


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